François 1° : Trois femmes, entièrement dévouées

Trois femmes, entièrement dévouées à François

• La mère : Louise de Savoie (1476-1531)

Née en Savoie, après son mariage avec Charles d’Orléans elle s’est installée à Cognac, où naquirent ses deux enfants, Marguerite et François. Elle devient veuve en 1496 : elle n’a que 19 ans, et dès lors se vêtira toujours en noir.

Très grande, belle, très vive et enjouée, elle veille de près à l’éducation de ses enfants ; elle suscite leur intérêt pour les arts et la littérature. Ayant été à l’école d’Anne de Beaujeu (régente pendant la minorité de Charles VIII, de 1483 à 1491) et de sa redoutable intelligence, Louise adopte pour devise « Libris et Liberis », « Pour les livres et les enfants ». Elle attend fermement la réalisation d’une prophétie lui annonçant que François, son « César » qu’elle idolâtre, deviendrait roi. Ce qui est accompli après la mort, sans héritier mâle, de son cousin le roi de France Louis XII.

Dès lors, elle assistera totalement François 1‎er, même lorsqu’elle n’est pas d’accord avec lui. Elle est deux fois régente, lorsque François est absent : pour gagner la bataille de Marignan (1515), ou prisonnier (1524-1526) après la défaite de Pavie. Avide de biens et intrigante, elle sait diriger le royaume selon les intérêts de la France …et les intérêts familiaux. Jusqu’à sa mort en 1531, elle pèse sur les décisions du Conseil. Aimant le pouvoir  (elle termine ses lettres avec « À mon seul plaisir ») mais en usant sagement, elle fait preuve de grandes capacités politiques, et excelle dans la diplomatie. Elle tente, tant bien que mal, de restaurer les bonnes mœurs à la Cour.

Bibliophile, amatrice d’objets et d’œuvres d’art, particulièrement intéressée par les idées et les formes venant d’Italie, elle soutient, voire suscite, la création artistique et littéraire, et soutient les savants, dans les premières années du règne de François 1‎er.

• La sœur : Marguerite d’Angoulême (1492-1549)

Fille de Charles de Valois-Orléans comte d’Angoulême, et de Louise de Savoie, sœur de François 1‎er auquel elle était très attachée. Toujours nomade comme le roi, passant sa vie en litière ou à cheval, toujours à ses côtés comme première dame (remplaçant sa belle-sœur la reine, toujours enceinte) et jouant le rôle de la mère après la mort de Louise de Savoie… elle conseille toujours son frère à bon escient, et impose à la Cour sa tenue toujours parfaite.

« Corps féminin, cœur d’homme, tête d’ange » selon le poète Clément Marot, son éducation a fait de Marguerite une des femmes les plus instruites de son temps, « tenant un livre au lieu d’une quenouille ». Fervente chrétienne, théologienne et philosophe, elle est séduite par le protestantisme, et plaide pour la tolérance religieuse.

Veuve à 28 ans de son premier mari Charles duc d’Alençon, elle épouse deux ans plus tard le roi de Navarre Henri d’Albret, dont elle eut une fille, Jeanne d’Albret (qui sera la mère du futur Henri IV).

Marguerite est aussi un écrivain confirmé, auteur de poèmes, de pièces de théâtre jouées en sa présence, et de L’Heptaméron, recueil de nouvelles, un des chefs- d’œuvre de la littérature Renaissance : Marguerite y présente sa vision du monde avec humour, tendresse et esprit, un idéal de la pensée et du raffinement pour la société de son temps. 

• L’épouse : Claude de France (1492-1549)

Fille du roi de France Louis XII et d’Anne de Bretagne. Des quatre enfants qu’Anne de Bretagne a mis au monde, seuls deux lui ont survécu : deux filles, Claude et Renée.

Claude fut, dès l’âge de deux ans, fiancée au futur Charles Quint (qui venait de naître). Mais la duchesse Anne étant décédée le 9 janvier 1514… sans tarder, la préférence du roi Louis XII et la pression de sa cousine Louise de Savoie, mère de François d’Angoulême, futur François 1‎er, l’emportèrent : le 18 mai 1514, Claude épousait François. Elle apportait en dot le duché de Bretagne, et d’autres seigneuries : ce mariage, auquel Anne de Bretagne avait été radicalement opposée, assurait la réunion définitive de la Bretagne à la France, puisque malgré son rapide remariage avec Marie Tudor, Louis XII n’eut pas d’héritier mâle avant de décéder (1er janvier 1515). François d’Angoulême devient François 1‎er ; Claude est couronnée reine de France le 10 mai 1517 en la basilique Saint-Denis.

Claude tombe enceinte dès le début de son mariage (elle a 15 ans ½), et par la suite enchaîne les grossesses. Elle donne à François sept enfants en neuf ans
          • Louise en 1515 (†1518) ;
          • Charlotte en 1516 (†1524) ;
          • François en 1518, dauphin de France, duc de Bretagne (†1536) ;
          • Henri en 1519, dauphin de France, dernier duc de Bretagne, roi de France (†1559) ;
          • Madeleine en 1520, reine d’Écosse par son mariage en 1537 avec Jacques V d’Écosse (†1537) ;
          • Charles en 1522, duc d’Orléans (†1545) ;
          • Marguerite en 1523 (†1574).

Les nouveau-nés sont immédiatement confiés à des nourrices. Par la suite, leur éducation est en bonne partie déléguée à leur grand’mère paternelle, Louise de Savoie.

Claude est très petite, corpulente, elle louche de l’œil gauche, elle boîte… bref, elle est « laide » ; rudoyée par sa belle-mère, peu aimée à la Cour. Le roi a de nombreuses maîtresses, mais il est discret (tant que veillent louise de Savoie, puis Marguerite), et respectueux envers Claude, pour qui il éprouve une certaine tendresse (à sa mort il dira « Je n’eusse jamais pensé que le lien de mariage fût si dur et si difficile à rompre »).

Désintéressée et résignée, Claude choisit de rester effacée. Contrairement à sa sœur Renée (1510-1575), elle parait n’avoir été que peu intéressée par son héritage breton, ou par les affaires politiques en général, préférant se consacrer à la religion. « Madame Claude de France fust très bonne et très charitable, et fort douce à tout le monde, et ne fist jamais desplaisir ny mal à aucun de sa court ny de son royaume » (Brantôme). Le peuple l’aimait, et la surnomma la Bonne Reine, en raison de sa piété et de ses qualités de cœur.

Les médecins archéologues d’aujourd’hui sont nombreux à estimer que la description physique et morale de la reine, issue des archives subsistantes du château de Chenonceau, pourrait en réalité décrire une trisomie 21.

Elle s’intéressait à l’art du jardin et du verger : une tradition associe une bonne jardinière à une bonne reine, et l’amour des fruits à la prospérité du royaume. Son nom a été donné à une variété de prunes, la reine-claude, dont un plant avait été offert à l’ambassadeur de France par le sultan ottoman Soliman le Magnifique.

Le 26 juillet 1524, à l’âge de 25 ans, Claude meurt d’épuisement, affaiblie par ses grossesses successives ; mais aussi par une tuberculose osseuse (comme sa mère), et par la syphilis que lui a donnée son époux. Elle repose près de François 1‎er dans la basilique Saint-Denis.

Jacqueline Brevière