La langue française à la Renaissance
En 2024, plus de 300 millions d’êtres humains s’expriment en français dans le monde.
5ème langue parlée après le mandarin, l’anglais, l’espagnol et l’arabe ; langue officielle d’une trentaine de pays et des grandes organisations internationales.

Statut officiel de la langue française par État et territoire
C’est la langue des débats, de l’esprit critique, de la nuance, de la précision, de la culture, et du romantisme.
Elle a été l’outil d’expression des plus grands esprits littéraires. Appelée « la langue de Molière », elle fut aussi celle de Victor Hugo, Baudelaire, Maupassant, Jean de la Fontaine, Jules Verne… pour n’en citer que quelques-uns.
Initié au temps des Gaulois, le parcours effectué pour en arriver à ce résultat fut épique ; et l’époque de François 1er en constitua une étape déterminante.
À l’aube du 16ème siècle, François d’Angoulême arrive sur ses 10 ans, et son précepteur lui enseigne le latin, le grec ancien, et le français.
Le contexte de son apprentissage est particulier, car la transition du 15ème au 16ème siècle est une période charnière dans l’histoire de notre langue. Plus de quarante pour cent des mots de notre dictionnaire actuel remontent à cette époque.
Le français a “digéré” toutes les influences antérieures (le gaulois, le latin, le francique, le roman) ; sa richesse est prête à exploser de manière exponentielle, comme on peut clairement le voir sur la frise de son histoire. (Voir la frise sur une nouvelle page).
Le 15ème siècle voit la fin de la Guerre de 100 ans et des grandes épidémies de peste. Le temps est venu pour les artistes de pouvoir s’exprimer, alors même que Gutenberg invente l’imprimerie.
Guillaume Budé :
De l’institution du prince, Gallica
François Villon, poète français de la fin du Moyen-âge, jongle avec les mots.
Ballade des Dames du temps jadis
Dictes-moy où, n’en quel pays,
Est Flora, la belle Romaine ;
Archipiada, ne Thaïs,
Qui fut sa cousine germaine ;
Echo, parlant quand bruyt on maine
Dessus rivière ou sus estan,
Qui beauté eut trop plus qu’humaine ?
Mais où sont les neiges d’antan !
Où est la très sage Heloïs,
Pour qui fut chastré et puis moyne
Pierre Esbaillart à Sainct-Denys ?
Pour son amour eut cest essoyne.
Semblablement, où est la royne
Qui commanda que Buridan
Fust jetté en ung sac en Seine ?
Mais où sont les neiges d’antan !
La royne Blanche comme ung lys,
Qui chantoit à voix de sereine ;
Berthe au grand pied, Bietris, Allys ;
Harembourges, qui tint le Mayne,
Et Jehanne, la bonne Lorraine,
Qu’Anglois bruslèrent à Rouen ;
Où sont-ilz, Vierge souveraine ?…
Mais où sont les neiges d’antan !
Prince, n’enquerez de sepmaine
Où elles sont, ne de cest an,
Qu’à ce refrain ne vous remaine :
Mais où sont les neiges d’antan !
François Villon, 1458-59
En 1953, Georges Brassens mettra en chanson cette « Ballade des Dames du temps jadis ».
C’est d’autant plus facile pour le poète que le français bouge beaucoup. Des règles nouvelles viennent rendre la langue plus limpide, plus facile à lire, plus aisée à dire.
Lors de l’enfance de François d’Angoulême, presque vingt-cinq langues sont pratiquées dans le pays, outre le latin : les langues régionales sont diverses et respectées.
Lors de l’enfance de François d’Angoulême, outre le latin, presque 25 langues sont pratiquées dans le pays : les langues régionales sont diverses et respectées.
Le « français » est l’une d’entre elles, elle est la langue de Paris et des aristocrates du nord de la France. Cette langue des élites s’imposera, par le biais des juristes.
En 1510, le Roi Louis XII avait supprimé le latin dans les rendus de justice, et décrèté que ces derniers devaient être rédigés dans les langues régionales : afin que le peuple les comprenne.
Le problème, c’est que les avocats ne parlent pas ces diverses langues. Pour comprendre les jurisprudences, peu à peu ils utilisent le français dans leur pratique, comme solution d’uniformisation.
Le vocabulaire se développe considérablement.
– La Renaissance italienne a un siècle d’avance sur la France, elle vient enrichir la langue française qui intègre alors plus d’un millier de termes italiens, notamment le vocabulaire…
militaire (canon, soldat, bombe, infanterie, alarme, cavalerie, sentinelle…),
architectural (balcon, façade, coupole, fresque, escalier…),
vestimentaire (costume, caleçon, pantalon…)
ou encore financier (banque, faillite…).
– Les Grandes Découvertes des explorateurs apportent des mots du Nouveau Monde tels que : cacao, chocolat, tabac, ananas, patate, maïs…
– Le vocabulaire s’enrichit aussi par une re-latinisation du français : des mots latins viennent se décliner dans la langue française.
“hospitalem” donne hôtel et hôpital
“liberare” donne libérer et livrer
“fragilem” donne frêle, fragile
“fabricam” donne forge et fabrique
champ ou camp ; chance ou cadence ; loyauté ou légalité ; entierou intègre ; écouter ou ausculter… etc
↓ Cliquer sur l’image ci-dessous pour voir en entier la frise de l’évolution du Français en entier ↓
Le 26 janvier 1476, « Les Grandes Chroniques de France » est le premier livre imprimé en français, il relate l’histoire des rois.
Avec l’imprimerie la langue française se répand partout et est prête à être structurée.
Elle s’inspire de la grammaire italienne en important le principe de l’accord du participe passé, introduit par le poète français Clément MAROT, qui grandit à la Cour de France et qui sera un temps au service de Marguerite d’Angoulême, la sœur de François 1er.
Robert ESTIENNE, illustre imprimeur parisien, publie un dictionnaire latin / français et introduit l’accent aigu en 1530.
En 1531, Jacques DUBOIS dit Sylvius, auteur de la première grammaire française, introduit l’accent grave et l’accent circonflexe.
Geoffrey TORY, un des premiers réformateurs de l’orthographe française, introduit l’apostrophe (emprunté au grec ancien), le « point-croche » (la virgule) et la cédille venue d’Espagne.
Le 16ème siècle voit le développement d’un lexique grammatical : adjectif, conjonction, adverbe, conjugaison, terminaison, syntaxe…
La célèbre ordonnance de Villers-Cotterêts, prise en 1539 par François 1er, impose le français comme langue officielle de l’Administration. Le Roi, piètre latiniste par ailleurs, a ainsi officialisé le statut dominant que revêtait alors la langue française dans la vie du pays.
Son adversaire de toujours, Charles Quint, dira :
« La langue française est langue d’Etat, la seule propre aux grandes affaires ».
Elle sera en effet pratiquée par toutes les Cours royales d’Europe.
Le mouvement humaniste, pour lequel « l’Homme est au centre », participera à la mise en avant du français qui est la langue du peuple. Contrairement au latin qui est la langue de l’Eglise et la langue savante.
Ronsard, Du Bellay et les poètes de la Pléiade publient en 1549 « Défense et illustration de la langue française ».

Les poètes du 16ème siècle osent des néologismes (créations de nouveaux mots), des syntaxes complexes, ils expérimentent : une poésie française se développe.
Le langage s’adapte à l’expérience et à l’observation.
Rabelais, dans ses « Pantagruel et Gargantua », s’amuse à jouer avec les mots, et il en crée beaucoup pour ses besoins littéraires : automate, célèbre, génie, indigène, horaire…
Pour Ronsard : « Plus nous aurons de mots en notre langue, plus elle sera parfaite ».
Le milieu médical adopte le français. Le chirurgien Ambroise Paré par exemple ne connaissait ni le latin ni le grec.
L’arithmétique se diffuse en français, ainsi que l’astronomie, les sciences naturelles et la philosophie.
Quelques témoignages...
François de Malherbe (poète français du 16ème siècle) :
« Je défendrai jusqu’à ma mort la pureté de la langue française. »
Samuel Taylor Coleridge (poète anglais du 18ème siècle) :
« Le français est peut-être le langage le plus limpide et le plus précis au monde. »
Antoine de Rivarol (écrivain français du 18ème siècle) :
« Ce qui n’est pas clair n’est pas français. »
Guy de Maupassant (auteur français du 19ème siècle) :
« La langue française est une eau pure que les écrivains maniérés n’ont jamais pu et ne pourront jamais troubler. Chaque siècle a jeté dans ce courant limpide ses modes, ses archaïsmes prétentieux et ses préciosités, sans que rien surnage de ces tentatives inutiles, de ces efforts impuissants. La nature de cette langue est d’être claire, logique et nerveuse.
Elle ne se laisse pas affaiblir, obscurcir ou corrompre. »
Anatole France (auteur français du 19ème siècle):
« La langue française est une femme. Et cette femme est si belle, si fière, si modeste, si hardie, touchante, voluptueuse, chaste, noble, familière, folle, sage, qu’on l’aime de toute son âme, et qu’on n’est jamais tenté de lui être infidèle. »
Albert Camus (auteur français du 20ème siècle) :
« Ma patrie, c’est la langue française. »
Michel Déon (auteur français du 20ème siècle) :
« Tu n’as pas idée, toi qui l’entends depuis l’enfance, de la grâce secrète, presque invisible, inaudible de la langue française. Son relief est doux, poli par l’usage et les siècles. »
Otto von Habsburg (archiduc d’Autriche du 20ème siècle) :
« La langue anglaise est un fusil à plombs : le tir est dispersé. La langue française est un fusil qui tire à balle, de façon précise. »
Les jeunes années du futur roi François 1er
En ce temps là…
