Michel Cabal, fondateur de l’ACHA, est décédé le 9 septembre 2019.
La municipalité lui a rendu hommage à la Chapelle des Carmes, le 4 octobre.
Notre vice-présidente, Francine Thorel, a exprimé l’estime que nous avions pour lui.
« Vous le devinez, c’est avec beaucoup d’émotion que je vais évoquer Michel dans son fief, ici à Ardres et plus précisément dans ce lieu Ô combien symbolique pour lui : la chapelle des Carmes. A la lecture des condoléances reçues on découvre à quel point il a pu être différemment perçu : historien, archéologue, géologue, médecin, conférencier… dans tous les cas, un érudit, un passionné. Je n’aurai pas la présomption de vous donner toutes les clés du personnage, mais en jalonnant quelques périodes de sa vie, on comprendra mieux, du moins je l’espère, cette étonnante complexité. »
« De sa jeunesse, on peut dire que Michel est un ardrésien de souche, né le 16 avril 1946 rue Léon Delacre. Il est l’ainé de trois enfants, le père est médecin, la mère entame une remarquable carrière de juge. Confidence de sa sœur cadette, enfant, il se singularise par un appétit insatiable de connaissances, il les accumule et tente de les transmettre à ses sœurs en leur faisant des cours suivis d’interrogations. Intéressé par la préhistoire, il collecte des cailloux aux alentours. Il apprend à les classer, paléolithique ? Néolithique ? Il les dessine, les étudie, remplit des petits carnets. Certaines rencontres sont parfois décisives dans le déroulement d’une vie. Il en est une de premier plan, celle avec Monsieur Alain Derville, son professeur d’histoire en 6ème au lycée Ribot. Lors du premier cours, son ami d’enfance Gilles, raconte que Michel a engagé avec lui un dialogue à propos de l’abbaye St-Bertin dont il savait déjà tant de choses. Les élèves sont ahuris. En 2002, à la mort de ce maître, Michel m’enverra l’article « in memoriam » qui lui était consacré dans la Revue du Nord. La fidélité et l’admiration pour l’excellence, n’étaient pas de vains mots pour lui. C’est durant ses années de lycée à St-Omer, qu’il rencontre une autre personnalité qui va le marquer, le chanoine Coolen, remarquable historien, membre éminent de la prestigieuse Société des Antiquaires de la Morinie. Il restera pour lui un modèle par son érudition. »
« S’il est un coin d’Ardres qu’il va parcourir avec passion, c’est la zone archéologique des Noires Terres datant de l’époque gallo-romaine. Sa situation à la rencontre entre l’Artois et la plaine maritime va renforcer son intérêt pour la géologie. La conjonction de tout cela va définitivement ancrer Michel dans l’histoire, l’archéologie, la géologie. »
Dès lors on peut s’étonner qu’il n’ait pas fait une carrière dans ces domaines ?
« A l’aube des Années 70 ces métiers n’ont pas trop la cote surtout auprès des parents. A leurs yeux, la profession de médecin est nettement plus valorisée et gratifiante, Michel qui admire son père accepte de faire médecine mais ne renonce pas pour autant à ses passions. En 1970 il passe brillamment son mémoire de maîtrise en histoire de l’art et archéologie sur les marques de potiers trouvées aux Noires Terres. Cette belle céramique rouge que l’on appelle sigillée, est reconnaissable à la signature que le potier y appose avant la cuisson. En 1974 il soutient sa thèse de doctorat de médecine mais en choisissant l’étude d’ossements du Mont Saint-Eloi près d’Arras, il conjugue médecine et archéologie. Puis il se spécialise en psychiatrie à l’époque de la sectorisation. Il devient chef de secteur à Denain dans le Valenciennois. L’usine sidérurgique Usinor-Denain subit alors sa première restructuration qui supprime 5000 emplois. Période difficile pour le jeune médecin, les ouvriers sont confrontés à une situation dramatique qui génère beaucoup de stress. Plus tard et pratiquement jusqu’à sa retraite il sera chef de service en psychiatrie à l’hôpital Ullysse-Trélat de St André-lez-Lille. »
« Dans les Années 80 sa présence à Ardres est plus fréquente. À bonne école avec son père pour la préservation de la nature et des monuments de sa ville natale, il met en œuvre le projet de sauvegarder la chapelle des Carmes avec quelques amis. En état de décrépitude sévère depuis que la mairie a été transférée dans le château de Melle de Gomer, la pérennité de la chapelle des carmes est remise en cause. Pour la sauvegarder et la réhabiliter il faut une association, elle est créée en 1986, son nom Association Culturelle et Historique d’Ardres. La municipalité donne son accord pour la réalisation des travaux extérieurs et intérieurs qui s’achèvent en 1993. L’inauguration a lieu en septembre 1994 en présence de Jacques Toubon ministre de la culture. »
« L’ACHA y a son siège et la volonté d’assumer trois missions :
* Valoriser l’image de la ville d’Ardres,
* Animer le canton,
* Défendre le patrimoine régional.
Je pense que les affiches, les publications, la projection de photos que nous voyons autour de nous illustrent que l’ACHA a bien rempli ses objectifs. »
« Une période très riche va suivre, celle de la redécouverte du bastion royal et des silos à grain souterrains appelés Poires. Nicolas Faucherre grand spécialiste des fortifications en fait l’étude et met en évidence l’importance et la rareté de ces deux monuments souterrains du XVIème siècle. Reconnu pour ses compétences en la matière, Michel qui représente les associations à la Commission Régionale du Patrimoine et des Sites (CRPS), défend le dossier et obtient le classement à Paris. Jusqu’alors il n’y avait à Ardres que des monuments historiques inscrits, là on passe aux monuments classés c’est-à-dire à la protection maximale, ce qui nous vaut le droit au logo si connu. »
« Fidèle à ses engagements, l’ACHA sous la houlette de Michel anime l’ardrésis : avec la conférence qui accompagne chaque Assemblée générale, avec sa sortie printanière du 8 mai, avec les Journées du patrimoine dont le thème a été renouvelé depuis plus de 30 ans. Si l’on regarde les notices exposées on peut voir que le patrimoine ardrésien a été inventorié, des pans de l’histoire locale ont été approfondis ou découverts comme l’aérodrome américain de Louches-Autingues, ou la présence du centre d’instruction du génie belge durant la Grande Guerre. Des visites guidées ont été régulièrement assurées. Des réunions mensuelles le 1er mardi du mois ont permis de poursuivre jusqu’à maintenant le renouvellement des programmes et des publications. ACHA Info de 2 à 4 par an, sans oublier « Le travail dans l’Ardrésis au XXème siècle », ouvrage collectif tiré à 600 exemplaires rapidement épuisés. »
« Michel, un homme complexe et sensible, un érudit, mais aussi un réfractaire à ce qui est entré dans le quotidien de beaucoup d’entre nous. Pour lui, pas de montre, pas de savoir-faire en cuisine madame Saupiquet étant là pour lui, pas de téléphone portable, pas de tablette ni d’ordinateur, donc pas de traitement de texte. Or c’est quelqu’un que l’on peut qualifier d’homme de lettres au sens littéral du terme. Un véritable épistolier qui nous a abreuvés de lettres souvent envoyées dans des enveloppes ornées de dessins et de signes cabalistiques bien sûr. Même quand il assurait qu’il avait fait des efforts, le lire et le comprendre était un exercice laborieux auquel certains renonçaient.
Cependant sa profonde humanité, son sens de l’amitié, son érudition, son immense attachement à sa ville d’Ardres, son humour, son énergie, ses recherches et sa soif de les partager, nous ont considérablement enrichis. »
« A la suite de Lambert, de Ranson, il a ajouté sa pierre à la connaissance d’Ardres et sa région.
Il est de ceux qui l’auront marqué de son empreinte et que l’on ne pourra oublier. »
F Thorel.
Le 24 mars 2023, à l’issue des différents discours et hommages, la salle du premier étage de la Chapelle des Carmes a été baptisée au nom de notre regretté président.
Voici l'introduction du discours de Francine Thorel pour l'inauguration de la salle "Michel Cabal".
« Le 4 octobre 2019 nous nous retrouvions pour la plupart dans cette salle pour rendre un hommage à Michel Cabal, l’enfant du pays qui venait de nous quitter un mois plus tôt.
Aujourd’hui, 24 mars 2023, alors que nous venons d’assister à l’assemblée générale de l’association qu’il a créée il y a 37 ans et qui perdure après lui, nous nous apprêtons à donner son nom à cette salle de la chapelle des Carmes. La municipalité a donné son accord pour honorer celui qui a, non seulement réussi à sauvegarder ce bâtiment délabré, mais a fait en sorte qu’il devienne un lieu de vie, de rencontre, de culture.
Je pense qu’ici, nous sommes tous convaincus que cette décision est plus que méritée, mais pour ceux qui n’ont pas connu Michel et aussi pour le plaisir d’évoquer tout ce qu’il a apporté à sa ville, je vais tenter d’éclairer des moments clés de sa vie parmi ceux qui lui ont permis de devenir cet immense connaisseur d’Ardres, un passionné d’histoire et de géologie, un féru d’archéologie et d’architecture, un spécialiste du patrimoine, un esthète, un conférencier, un médecin, un homme engagé désireux de partager ses connaissances, fidèle en amitié… »
Lire l’hommage de l’Association des Amis de l’Église de l’Immaculée Conception de Wimereux à Michel Cabal.
(ouverture dans une nouvelle fenêtre)